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Robin Buisson, peintre taiseux et malchanceux

Dans sa modeste maison oulchoise qui lui sert également d’atelier, Robin Buisson s’accroche à son art. Coûte que coûte, il ne cesse de créer, nourri d’influences variées qui ont marqué ses jeunes années. L’artiste, qui vit bien plus pour la peinture que pour le discours, a cependant livré quelques éléments de son parcours et de sa démarche empreinte d’humilité.

« Je ne suis pas spécialement attaché à la région, je suis attaché à la peinture. » Pourtant originaire du Berry, Robin Buisson annonce derechef la couleur, sans feindre une hypocrite affection pour un territoire qui ne lui a offert que peu de perspectives artistiques jusqu’ici.

À 47 ans, le peintre a pourtant écumé les salons et petites galeries d’exposition, mais force est de constater que si Robin Buisson produit des œuvres qui peuvent toucher, celui-ci ne sait ni se vendre, ni enrober ses tableaux d’un récit aguicheur. Cette attitude peu loquace couplée à un désir de se protéger des tendances artistiques lui ont fermé, dès le début de sa carrière, bien des portes. « On me disait : ” C’est bien mais revenez plus tard. ” […] L’art, c’est compliqué si on n’est pas dans la mode. En France, si on est en dehors des institutions, on n’est pas pris au sérieux par les galeries », déplore-t-il.

Malgré un attrait précoce pour la peinture, une fascination pour la chapelle Sixtine, les œuvres de Matisse, Picasso et Dalí, Robin Buisson se perd très tôt dans son orientation et intègre le lycée d’enseignement agricole de Saint-Cyran-du-Jambot qu’il quitte au bout de trois ans, après avoir redoublé à deux reprises sa première année. La vie professionnelle ne lui offre guère plus de stabilité, alors, quitte à vivre sous le seuil de pauvreté, il choisit finalement la voie de la peinture. N’ayant pu encore allier gagne-pain et passion, le peintre expose avec honnêteté son parcours et les choix qui l’ont mené à vivre dans le dénuement. « Soit vous faites de la peinture, soit vous faites autre chose. […] Pendant quelque temps, j’ai fait des boulots alimentaires mais je n’ai pas tenu, je tombais en dépression, je n’avais plus envie de peindre. »

La peinture sans piper mot

Quasiment incapable de raconter l’histoire de ses toiles, pas commercial ni galeriste pour un sou, Robin Buisson revendique s’inscrire dans le mouvement de l’art brut, « celui des fous et des autodidactes ». Plus bavard à l’écrit, il apporte des précisions quant à sa ligne qu’il dit « issue d’une expérience pratique et théorique, autodidacte et affranchie, basée sur la recherche d’une voie syncrétique. » Tout l’inspire, aussi bien ses souvenirs d’admirateur des grands maîtres, l’influence d’autres peintres contemporains (Matthias Weischer, Neo Rauch, Mickael Doucet, Pannaphan Yodmanee, Jonas Wood, Paul Wackers) que son propre environnement. « Les thèmes abordés sont multiples, tout potentiellement peut être sujet à créer. J’essaie dans mon travail de ne pas franchir les frontières entre une peinture intellectuelle et l’envie de peindre ce qui me fait tendre vers une affection vibratoire. Ma peinture demeure une peinture de l’émotion, du ressenti basé sur une construction parfois simple ou parfois plus ténue afin d’exprimer tous les éléments qui m’ont construit en tant qu’autodidacte, de l’histoire de l’art à la simple vision d’un paysage mangé par les ombres et envahi de la lumière des saisons. Le discours est absent, seule la peinture en tant que telle m’importe. […]  Je ne m’inscris pas du tout dans le discours du ready-made, j’ai tendance à rejeter l’intellectualisme. […] À ce titre, Marcel Duchamp a cassé la peinture. Les artistes ne sont plus des peintres mais des écrivains. Pour moi, l’artiste n’a plus rien à voir ou à expliquer, le spectateur se fait sa propre vision. […] L’aspect réflexif n’est bien sûr pas absent mais c’est quelque chose d’intime qui se ressent plutôt qu’il ne se dit, je pense qu’à trop vouloir appliquer sa démarche à la lettre, on en oublie parfois l’esprit. » Un discours rompant franchement avec les traditionnelles palabres qui émanent des salles d’exposition.

Robin Buisson exposera ses huiles, fusains et collages à l’Atelier de la Poissonnerie à Châteauroux en juillet prochain. Sans renoncer à sa vision artistique ni à sa personnalité taciturne, l’artiste ne perd pas de vue son désir d’être enfin repéré par une galerie sérieuse. Et s’il faut s’extraire du Berry pour vivre l’aventure ailleurs, l’idée de s’expatrier là où règne encore une certaine liberté artistique séduit particulièrement le peintre qui rêve de contrées berlinoises.

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