le berry fait peau neuve

l'audacieux pari
du kilukru

Au cœur de Bazelat, dans la Creuse, l’ancien bar de soif a fait place à un tiers-lieu familial et moderne : le Kilukru. Des néo-ruraux se trouvent aux commandes de cet audacieux pari qui vise à redynamiser le bourg de la commune.

Au cœur du village creusois de Bazelat, le Kilukru annonce fièrement la couleur depuis l’extérieur du bâtiment qui l’abrite. Orthographe phonétique, écriture rondouillarde et lettres de bois sur fond bleu poudré, la question s’affiche comme un clin d’œil à l’histoire des quatre risque-tout qui ont fraîchement créé ce nouveau lieu de vie. Car c’est un projet à huit mains qui a vu le jour en novembre 2021, remplaçant le café Chez Valou qui ouvrait auparavant quotidiennement ses portes aux habitants du coin. Après le décès de la gérante du bar, le lieu est resté vacant durant plus de deux ans. La municipalité a cherché des repreneurs volontaires jusqu’à ce que quatre jeunes idéalistes à peine débarqués de la ville choisissent de se jeter à l’eau.

Quatre anciens citadins
derrière le projet

Néo-ruraux aux parcours très différents, un même fil rouge relie et conduit cependant Aurélie, Valentin, Pauline et Sylvain. Ces quatre-là ne craignent ni les remises en question, ni les changements de direction et encore moins l’inconnu et tout ce que ce dernier comporte de risques et de doutes.

Aurélie, 28 ans, est née à Blois et y a grandi avant d’atterrir à Orléans pour y entamer des études de sciences et techniques des activités physiques et sportives. Passionnée de tennis depuis ses trois ans, ce cursus s’inscrivait dans la continuité naturelle de son parcours. Mais la jeune fille n’ira pas au bout de ses études et prendra, après un an et demi de fréquentation de la fac, une année sabbatique durant laquelle elle enchaînera les petits boulots. La joueuse de haut niveau, ancienne championne régionale passée également par les courts de Roland-Garros, obtiendra ensuite son diplôme d’État pour transmettre à son tour sa passion du tennis. Elle enseignera pendant deux ans et demi ce sport, tour à tour à Orléans, dans l’Indre ou dans le Gers, lorsqu’un matin, tout s’arrête ; Aurélie ne parvient plus à se lever. Le diagnostic d’épuisement professionnel tombe rapidement pour la jeune femme qui, du jour au lendemain, cesse de jouer et raccroche sa raquette pour de bon. Après avoir baigné vingt ans dans le milieu, Aurélie met le doigt sur ce qui l’a poussée au bout de ses limites : « C’était chouette mais je n’avais plus de temps pour moi, plus de vie privée. Je travaillais du lundi au dimanche, il y a eu un trop-plein, un épuisement physique et moral », détaille-t-elle.

Une mise au vert bien mûrie

Peu après, Valentin croise son chemin et c’est alors l’occasion d’amorcer un nouveau départ. À 32 ans, celui-ci a grandi à Montgeron, dans l’Essonne et a vécu à Poitiers et Bordeaux puis s’est installé en Creuse il y a quatre ans. La Chapelle-Baloue, située à deux pas de Bazelat, l’a conquis alors qu’il recherchait un bien abordable à acquérir situé sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. « J’avais très envie de quitter la ville pour m’installer à la campagne », précise-t-il encore. Lui-même ancien pèlerin, Valentin voulait créer un refuge pour accueillir à son tour les voyageurs. Il rénove alors une demeure qu’il transforme en gîte. 

Aujourd’hui, Aurélie et Valentin, tous deux conseillers municipaux à la Chapelle-Baloue, jonglent entre le Kilukru, leur mandat d’élus locaux, le développement d’un potager, de l’autonomie de leur lieu de vie, et surtout leur nouvel emploi du temps de jeunes parents et ont désormais moins de temps à consacrer à l’accueil des pèlerins. Aurélie, pour le moment « très connectée à [s]on bébé », envisage à l’avenir de prodiguer des massages non thérapeutiques. « En tant que joueuse de tennis, j’ai été beaucoup massée. C’est une façon de rendre ce qu’on m’a donné, de faire du bien aux autres », conclut-elle.

Un attrait parallèle pour la campagne

Pauline et Sylvain, qui forment l’autre moitié du Kilukru, ont eux aussi tâtonné avant de se fixer dans les contrées creusoises. Pauline, 38 ans, a opéré un virage à 180 degrés en passant de l’hôtellerie-restauration à la vie d’artiste. Originaire de Beaune, en Bourgogne, la jeune femme avait débuté sa vie professionnelle en enchaînant les allers-retours entre la France et les États-Unis. Après quelques années de cette existence morcelée, Pauline quitte sa ville natale pour Paris et se frotte alors au théâtre amateur. Le coup de foudre pour le milieu a lieu immédiatement et lui fait intégrer une école de théâtre et de cinéma. Elle y fait la rencontre de Sylvain et tous deux s’installent à Bazelat peu après la naissance de leur fille. À ce sujet, Pauline précise : « Je savais que je ne resterais pas à Paris avec un enfant ». Depuis son arrivée en Creuse, la jeune femme poursuit ses activités artistiques et a déjà proposé des prestations de clown dans le secteur, notamment en EHPAD.

 

 

Et leurs chemins se croisèrent...

Son compagnon, Sylvain, 32 ans, originaire de Pessac près de Bordeaux, s’est lui aussi longuement cherché ; il a d’abord suivi une première année de classe préparatoire HEC avant de quitter son école pour voyager trois mois durant aux États-Unis et au Mexique. Parti pour recueillir des réponses à ses questions et prendre à bras-le-corps son avenir, il en revient sans savoir dans quelle direction aller. Peu après, le théâtre, qu’il avait un peu exploré au lycée, se rappelle à son bon souvenir. Cet art semble l’attirer de nouveau et Sylvain intègre alors une école de théâtre et de cinéma où il rencontre sa future compagne. 

Dix ans de klaxons, de métro et d’attentats ont fini par avoir raison de la vie parisienne de la petite famille. Ici, le duo s’est également lancé dans la rénovation d’une grange située à Bazelat. Venus découvrir la région durant un court séjour, Pauline et Sylvain ont eux aussi opté pour la qualité de vie exceptionnelle qu’elle offre : « Nous avons eu un bon feeling avec les gens du coin, notamment Aurélie et Valentin », se souvient Sylvain.

L'ancrage local vu par le Kilukru

Après cette rencontre, les deux couples réfléchissent au potentiel du café bazelatois au moment où la municipalité s’apprête à lancer un appel de candidatures au grand public. Mais les jeunes repreneurs envisagent le projet sous un angle un peu différent. « Le bar était un prétexte, nous ne voulions pas que ce soit juste un endroit où on vient boire un verre à 10 heures du matin. Nous souhaitons que les gens s’approprient vraiment ce lieu », nuancent-ils.

L’équipe du Kilukru propose une cuisine maison essentiellement végétale, parfois crue, et permet de venir s’y désaltérer, mais aussi de s’y procurer des produits artisanaux et locaux, tels que la bière de la Brasserie verte d’Orsennes, les savons, bougies, sirops, baumes et tisanes de Juliette Martinet de Saint-Sébastien ou Le Vin à poil de Xavier Marchais à Lafat. Les produits servis en cuisine ont également une provenance locale (légumes de Bridiers, glaces de Mouhet). Le pain d’un artisan boulanger serait d’ailleurs le bienvenu, mais le Kilukru cherche encore un fournisseur partenaire… Un jeune talent creusois, Louis Hourmilougué, expose aussi ses toiles géométriques sur les murs rouge coquelicot du café, et l’enseigne à l’extérieur du bâtiment a été fabriquée par La Rue graphique, une entreprise située à Crozant.

Un bar culturel et social

 

Au-delà de la dimension gastronomique, le Kilukru est d’abord un lieu de partage et de discussion. Aussi, des projections de documentaires et débats y sont-elles parfois organisées, ainsi que des ateliers portant sur des thèmes variés (fabrication de savons, écriture de chansons, balades à la découverte de la nature). Une place de choix est encore réservée aux échecs, un jeu de société peu mis en valeur dans la région.

Le quatuor a récemment été rejoint par Natalia, une amie comédienne rencontrée à Paris qui concocte parfois des plats colombiens pour les clients. Les cinq audacieux se relaient tantôt pour préparer les repas, tantôt pour accueillir le public lors des animations. Le Kilukru est avant tout une association réunissant une quarantaine d’adhérents, et chacun de ses membres est libre de proposer des idées neuves aux forces vives de la structure. 

Pourvu que le Kilukru dure et devienne un modèle de tiers-lieu pour les communes environnantes ! 

 


Retrouvez le Kilukru sur Facebook


23 Le Bourg, Bazelat
Ouvert du mercredi au vendredi
de 17h à 22h, le samedi de 10h à 22h
et le dimanche de 14h à 18h

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