rencontre
Claire Courreau
cultive sa liberté
À l’écart du bourg de Fougerolles, Claire Courreau, ingénieure agronome, cultive, récolte et transforme avec soin ses plantes aromatiques et médicinales. Agastache, mélisse, bourrache, sarriette, sauge, cassis, romarin ou mauve représentent la matière première de ses produits artisanaux estampillés Claire des prés qu’elle vend sur les marchés ou dans les épiceries bios de la région.
Claire Courreau ne fait tellement qu’un avec son activité de productrice d’herbes aromatiques et médicinales qu’il lui arrive d’être appelée par le nom de son entreprise. « Parfois on m’appelle Madame des Prés mais c’est mon nom de scène ! », s’amuse-t-elle. Arrivée en mars 2019 à Fougerolles, dans le hameau des Lurets, elle vit depuis lors juste à côté des plantes qu’elle cultive et choie au fil des saisons.
Des débuts dans les clous
À 34 ans, celle qui vient de remporter le premier prix de la catégorie « agricole et milieu rural » au concours régional de l’entrepreneuriat par les femmes peut retracer son parcours sans rougir. « Je suis née à Versailles puis j’ai grandi à Jouy-en-Josas. Pour les études, j’ai suivi un cursus d’ingénieur agronome, avec une spécialisation en environnement. Mon premier poste était dans le bassin d’Arcachon, puis je suis revenue en Île-de-France. Là, j’ai travaillé dans un bureau d’études, du côté de l’écologie et de la pédologie, pour réaliser des diagnostics d’habitats dans le cadre d’aménagements. J’ai aussi eu une courte mission à la chambre d’agriculture d’Île-de-France en 2014, au moment où la filière horticole était en difficulté. Puis j’ai travaillé pour la FNSEA, dans la filière viticole. Je ne regrette pas, c’était très formateur et mon projet mûrissait. »
Très proche de la protection de la nature, Claire ne perd pas de vue ses repères et ressent peu à peu un « décalage entre ses valeurs et une agriculture productiviste » sans pour autant presser les choses. « J’ai toujours eu une passion pour la botanique mais je n’avais pas l’idée de créer mon entreprise au début. L’envie d’être indépendante s’est développée chemin faisant, je voulais m’occuper de la plante de A à Z à travers sa culture, sa transformation et sa distribution. »
La discrète mais pugnace Claire prend donc son temps et peaufine ses connaissances. « J’avais déjà un bagage d’agronome, j’ai suivi des formations complémentaires. D’abord, sur la production et la transformation des plantes aromatiques et médicinales, à la MFR de Chauvigny, puis à distance et pendant deux ans en herboristerie avec l’Association pour le renouveau de l’herboristerie pour approfondir le côté médicinal. »
L’émancipation du salariat
À l’approche de la trentaine — un cap qui lui fait reconsidérer ses choix professionnels aussi bien qu’affectifs — l’envie de quitter la région parisienne fait elle aussi son chemin. Claire cherche alors à se rapprocher de ses parents déjà installés à Ceaulmont, et dégote son écrin de verdure de 8 000 m² en 2019 où elle pose rapidement ses valises et débute son projet. Elle y défriche alors les ronces et dédie une surface de 1 500 m² à la production d’herbes aromatiques et médicinales certifiées Agriculture biologique. « J’ai réalisé un petit labour de faible profondeur, délimité le jardin, mis des engrais verts, fait les semis des plantes, limité la propagation des adventices et enrichi le sol. Je n’utilise pas d’intrants chimiques, désherbe à la main et cueille manuellement aussi », décrit-elle.
Dès l’été 2019, les premières récoltes encouragent la jeune femme qui souhaitait « concrétiser le projet rapidement ». Le séchoir, qui permet aux plantes de se déshydrater et de concentrer leurs saveurs et leurs vertus, est créé dans la foulée. Le site internet suit et Claire participe en novembre à ses premiers marchés. « À l’époque, je cultivais une bonne trentaine de plantes. Aujourd’hui, il y en a une cinquantaine, avec une gamme méditerranéenne. Je les transforme en tisanes, sirops, pâtes, biscuits, pâtes à tartiner, pains d’épices. Il y a aussi du safran et du jus de pomme aromatisé, et depuis 2020, j’ai mis en place un petit atelier apicole avec trois ruches. Cela permet de valoriser les plantes d’une autre manière, de diversifier la gamme, de favoriser la pollinisation, de préserver l’abeille. Ma ferme se visite aussi durant l’été, et j’interviens via Formations bio nature à Ardentes qui mène des formations pour le développement de microfermes agriculturelles. »
Des produits sains, vertueux et locaux
Sur sa boutique en ligne aussi bien que sur son étal, une gamme classique de plantes côtoie des variétés plus originales pour « faire découvrir aux clients de nouveaux parfums ». Et pour réaliser ses produits transformés, Claire utilise des ingrédients locaux uniquement ou issus du commerce équitable. « La farine de blé tendre (semi-complète T110, pour de meilleures qualités nutritionnelles et gustatives) est produite à La Celle-Condé, les œufs à Chassignolles, le beurre à la laiterie de Verneuil, les graines (courge, tournesol) à Beddes. Quant aux matières premières ne pouvant être fournies localement (sucre roux, chocolat), elles sont produites dans le cadre du commerce équitable », peut-on lire sur son site.
Claire des Prés innove encore et a cherché à élargir son offre en cultivant ses premiers plants de chanvre CBD cette année. Les essais de produits aromatisés au CBD sont d’ailleurs en cours dans le laboratoire fougerollais.
Aujourd’hui, Claire Courreau se sent bien intégrée sur le territoire. Également présente au sein du conseil municipal de Fougerolles elle s’implique pour que l’économie locale et le bio prospèrent, en espérant faire évoluer en douceur les habitudes tenaces qui malmènent encore l’homme et la terre. ■