rencontre

nathalie et françois grauss,
deux fous au potager

Le parcours de Nathalie et François Grauss, âgés respectivement de 56 et 61 ans, ressemble à celui de bon nombre de néo-ruraux fraîchement installés dans nos contrées berruyères. Mais le projet du couple établi depuis peu à Celon est loin d’être banal. Rencontre avec deux personnages originaux et attachants.

Arrivée de la région parisienne il y a six ans, et plus précisément de Villemomble en Seine-Saint-Denis, Nathalie Grauss annonce sans préambule la couleur : « Mon truc ici, c’est le jardin. Et puis le gîte ! » Les deux hectares de la propriété abritent en effet un potager mais aussi un coin camping avec caravane et un gîte indépendant pour accueillir des touristes.

Absente pendant trente-et-un ans du Berry, Nathalie, originaire de Vatan, est revenue se ressourcer sur ses terres natales après avoir affronté l’ambiance bruyante et stressante de la région parisienne avec son mari, François. « Comédienne bio », née dans une famille d’artistes, Nathalie, fascinée par le mime, intègre dès ses 19 ans l’École au Carré à Paris, première école du cirque créée par Silvia Monfort et Alexis Grüss. Deux ans plus tard, elle se produit dans la rue, puis joue au sein de plusieurs compagnies et dans le milieu circassien. « J’ai surtout joué dans les écoles, j’ai beaucoup fait l’automate », assure Nathalie qui ne se prive pas d’illustrer ses propos à travers une démonstration de mime au beau milieu de son salon.

L'appel d'un autre projet

Intermittente du spectacle pendant vingt-cinq ans, la comédienne qui enchaînait les déambulations a été durement touchée par la crise de 2008 : « Il y avait moins de contrats mais beaucoup de gens voulaient être intermittents pour la sécurité apportée par le statut, alors que ce n’était pas justifié. » Dans cette ambiance compliquée de brutale concurrence, Nathalie se sent appelée par autre chose : « J’avais de plus en plus envie de travailler la terre, de cultiver. J’ai commencé par intégrer des jardins partagés en région parisienne. » En 2016, Nathalie, son mari François et leurs deux enfants sautent le pas et fuient « la pollution, le bruit, les bouchons, le stress ».

Le couple jongle alors entre aménagement de l’espace extérieur, travaux de rénovation du bâti et se forme également à la Ferme de Sainte Marthe pour apprendre à cultiver le jardin en respectant les principes de la permaculture. Le gîte des Myosotis, pouvant accueillir jusqu’à six personnes, peut être loué par des touristes venus visiter la région ou des stagiaires envoyés au couple Grauss par la Ferme de Sainte Marthe. Disposée sur le terrain, une caravane des années 70, bardée et fonctionnant en autonomie (douche solaire et toilettes sèches) peut aussi être louée.

Digressions poétiques et autosuffisance

« Nous avons nommé le gîte ainsi car le myosotis est notre fleur préférée à tous les deux. Avec ses cinq pétales, on retrouve le nombre et la géométrie sacrés, un certain rapport d’harmonie, l’évocation du pentagramme », énonce François Grauss. Et à propos d’harmonie, ce dernier est intarissable : « Je la ressens dans la nature d’une manière générale. C’est une dynamique, la beauté attire la beauté, quelqu’un de beau peut rendre beau un endroit laid… » Mais que faisait donc ce poète avant de semer des arbres et bouturer dans son jardin celonnais ? Étonnamment, il n’était pas artiste de profession mais travaillait à l’usine avant d’être commercial pendant trente ans (sécurité de l’entreprise et communication par l’objet). Suite au dépôt de bilan de son dernier employeur, François Grauss perd son travail mais rebondit dans son nouveau lieu de vie. « À Paris, à partir d’un certain âge, tu es complètement has been, peu importe ce que tu fais. Et en France, il y a un véritable cloisonnement des métiers, la recherche d’emploi est très fermée alors qu’il faudrait plutôt ouvrir d’autres pistes. Alors à partir du moment où on perd son travail, on remet tout en question », analyse-t-il avec philosophie. Né à Paris, ce photographe amateur n’a jamais aimé la capitale qu’il trouvait déjà stressante et bruyante : « Tant qu’on a un métier, une famille, on supporte. » Les bocages du Berry lui rappellent désormais la Normandie qu’il affectionnait plus jeune. Désormais dans son élément, François s’occupe de l’entretien du lieu et s’intéresse de près à son autonomie énergétique et alimentaire. « Nous avons des poules et cherchons à être autonomes concernant la production de légumes. Des panneaux solaires sont installés sur la toiture, le surplus d’électricité est revendu car nous ne pouvons pas la stocker. On a aussi installé des cuves de récupération d’eau de pluie et utilisons l’eau du puits. On est encore un peu dépendants mais pour viser l’autonomie totale il ne faudrait aucun compteur, donc pas d’abonnement. Ce n’est pas un but, mais si j’avais été plus jeune, j’aurais aimé travailler dans ce sens », révèle-t-il.

Côté culture, le couple se complète et suit le dossier de près : « Avec la permaculture, on fait des erreurs. Et on subit des sécheresses, le gel. Le verger a notamment du mal à pousser. Mais on a planté beaucoup d’arbres pour ramener de l’ombre sur le terrain. » François insiste toujours sur la recherche de l’équilibre et prône un retour à la « sagesse paysanne ». Courgettes, tomates de toutes sortes, concombres, blettes, fraises, framboises et herbes aromatiques sont cultivées sans produits phytosanitaires et alimentent les petits plats mijotés par Nathalie.

Mais, s’il s’arrêtait là, le projet de François et Nathalie ne s’extrairait guère de la classique reconversion de Parisiens venus s’installer dans le Berry, à la recherche d’un peu de calme et d’espace. 

Un chapiteau dans le jardin

Il faut sans doute le voir pour le croire… Car, à la découverte d’un authentique chapiteau de cirque trônant au cœur de leur terrain, la surprise est totale. L’imposante tente polychrome en dit long sur la fantaisie, et presque la folie qui habite ce couple simple et généreux. Grâce à cet outil atypique, Nathalie et François espèrent développer le pan culturel de leur activité, appuyé par leur association À bord de Terre qui leur permettrait de proposer au public des stages mêlant activités culturelles et jardinage, mais aussi de devenir un lieu de résidence artistique incontournable et de représentation de spectacles dans la région.

Nathalie et François Grauss s’investissent également avec beaucoup de motivation dans la vie associative locale. L’organisation de la fête médiévale de Celon, qui devra se tenir les 4 et 5 septembre prochains, occupe singulièrement le couple qui, entre l’accueil de deux séjours de stagiaires, s’affaire autour de la confection des oriflammes et la mise au point du programme des festivités. Au moins aussi perchés qu’à leurs vingt ans, Nathalie et François n’ont vraiment pas fini de s’illustrer dans la vie culturelle du département. 


Retrouvez le gîte des Myosotis sur ses différentes plateformes

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