rencontre

HERVé valoteau,
la nature chevillée au corps

À Argenton-sur-Creuse, Hervé Valoteau, âgé de 51 ans, arbore les casquettes de guide jardinier bio et d’animateur pour l’association des Jardins et verger partagés de la Grenouille. Rencontre avec un passionné de la nature qui a choisi de donner une direction nouvelle à sa vie professionnelle, en accord avec ses aspirations profondes.

Tout près du centre aquatique d’Argenton-sur-Creuse, Hervé Valoteau, coiffé de l’indémodable chapeau de paille du jardinier, ramasse les branchages récemment tombés dans les Jardins et verger partagés de la Grenouille. Mais avant de prendre soin de ce lieu qu’il a, depuis 2016, peu à peu aidé à sortir de terre, Hervé Valoteau a dû s’extraire de son propre milieu pour suivre la voie à laquelle il était destiné.

Une vie, deux carrières

Celui qui se désigne désormais comme un guide jardinier bio et un animateur nature a travaillé auparavant pour Gaz de France durant onze ans à Châteauroux, en tant que contremaître gaz, technico-commercial puis assistant technique. « La bascule s’est faite lors de l’achat d’une maison en Brenne, en 2001, qui avait un jardin de 780m². Là, je commence à mettre les mains dans la terre pour jardiner, je découvre une passion qui occupe les trois quarts de mon temps libre, et viennent ensuite beaucoup de lectures. C’était un grand bonheur », se remémore Hervé Valoteau. C’est à ce moment que ce dernier décide de donner une direction nouvelle à sa carrière en l’axant autour du jardinage et plus particulièrement de la protection de la nature. Immédiatement, l’apprenti jardinier trouve incohérent d’utiliser des produits phytosanitaires et constate que « la nature n’a pas besoin de nous ».

En 2003, Hervé Valoteau suit une première formation agricole à la Ferme de Sainte Marthe en Sologne, dans l’idée de créer un grand potager et une ferme-auberge. Durant ces deux mois, il découvre un métier et surtout d’autres jardiniers partageant ses valeurs.

L'essor de l'association BiHaNat

À une époque où le bio en est encore à ses balbutiements, il rencontre un couple fréquentant le même cours de tai chi chuan que lui et partageant sa passion pour le jardinage au naturel et l’alimentation saine. Le trio crée en mars 2004 l’association BiHaNat afin de promouvoir des techniques de jardinage alternatives. Rapidement mise en avant à la foire exposition de Châteauroux, la structure suscite des vocations et attire de nombreux adhérents. France Bleu Berry démarche alors Hervé, Paul et Josette pour animer une chronique à la radio durant l’été 2004. Des thèmes variés y sont abordés, tels que les engrais verts, le compost, le paillage, les associations de plantes.

Peu après, Hervé Valoteau rencontre un autre couple : Anne et Yves Morin. Elle, « grande jardinière, pas avare pour partager ses connaissances », et lui, « bricoleur hors pair, avec de l’or dans les mains, maîtrisant la rénovation écologique », lui apprennent beaucoup. « Il y a eu un prolongement de ma formation au travers de ces gens-là », se souvient un Hervé pétri de reconnaissance.

Un guide pour se réapproprier son jardin

L’année 2006 du jardinier sera marquée par son changement de carrière ; Hervé Valoteau quitte alors GDF pour se consacrer pleinement à une clientèle qu’il a peu à peu constituée en écumant les assemblées générales d’autres associations et en participant à une quinzaine de salons sous l’égide de la structure BiHaNat. « Pourquoi guide jardinier bio ? Jardinier était le métier que je voulais faire. La dimension biologique était essentielle car je refusais d’utiliser des produits phytosanitaires. Et le terme de guide recouvrait les conseils et l’accompagnement que je souhaitais apporter à mes clients. J’intervenais pour réaménager des terrains peu valorisés ou trop entretenus, peu propices à la biodiversité, ou aménager des terrains nus. J’aidais les clients à s’autonomiser dans leurs jardins, à réfléchir aux semences à utiliser, aux fruitiers à planter, aux systèmes de récupération d’eau à mettre en place. L’idée était que les clients se débrouillent ensuite. La demande était assez importante car l’activité se faisait rare, elle diffère de celle pratiquée par les paysagistes qui est plutôt axée sur l’ornementation », explique Hervé Valoteau. Au cours de cette nouvelle carrière, ce dernier amasse une quantité considérable de connaissances grâce au nombre important de cas de figure rencontrés. Cette expérience lui permet en parallèle d’intervenir au sein de plusieurs établissements scolaires afin d’y créer de petits jardins, d’y animer des ateliers pédagogiques et de sensibiliser les plus jeunes au respect de l’environnement ainsi qu’à l’adoption d’une alimentation saine. Ses interventions au sein des jardins du château de Valençay auprès des plus jeunes sera également une étape importante pour Hervé Valoteau. Peu après, ce dernier commencera aussi à transmettre son savoir à travers des conférences et deviendra lui-même intervenant au sein de la Ferme de Sainte Marthe auprès de jardiniers indépendants et d’un public cherchant à se reconvertir dans le maraîchage.

Les Jardins partagés
de la Grenouille émergent

En 2015, il quitte l’association BiHaNat et s’en explique : « Je manquais de temps, je ne pouvais plus être assez présent pour l’association, j’avais une famille avec de jeunes enfants… Il faut savoir être cohérent dans son éthique ! »

Peu après, il participera à la création d’une nouvelle association, Les Cigales de Gaïa, qui faisait la part belle aux soins du corps, de l’esprit et de la nature (réflexologie plantaire, cuisine végétarienne, soins naturels, permaculture).

En 2016, le film Demain, réalisé par Cyril Dion et Mélanie Laurent, est diffusé au cinéma Eden Palace d’Argenton-sur-Creuse. Hervé Valoteau anime le débat qui suit la projection puis part se balader dans les anciens jardins ouvriers de la Grenouille situés non loin de la piscine de la ville. L’idée de la création de jardins partagés germe alors dans l’esprit du guide nature. Le bureau fondateur se met en place et soumet le projet à l’équipe municipale qui lui apporte rapidement son soutien. Depuis, les jardins sont en expansion et un verger s’est greffé à l’espace existant. Les lieux sont régulièrement animés par des membres de l’association et des partenariats avec les établissements scolaires des environs permettent à de nombreux enfants de mettre les mains dans la terre et de découvrir les joies du jardinage.

Un regard critique sur l'agriculture

Hervé Valoteau poursuit aujourd’hui son activité d’intervenant pour la Ferme de Sainte Marthe et anime des ateliers au sein de l’association des Jardins et verger partagés de la Grenouille. L’acquisition d’un terrain situé sur les bords de Creuse lui permet d’expérimenter de nouvelles techniques et de poursuivre ses recherches.

Et si le guide jardinier exerce son métier avec autant de passion, c’est sans doute parce qu’il nourrit en permanence une réflexion plus large au sujet de l’agriculture. Pour Hervé Valoteau, deux modèles s’opposent désormais : « L’un est destructeur de la qualité de l’eau, de la biodiversité, de la vie des agriculteurs, et est très dépendant en eau, en carburant, des produits chimiques et des firmes agro-semencières. Une autre agriculture se dessine mais de manière pas encore assez marquée, notamment concernant la production de céréales. Les solutions existent, elles sont expérimentées depuis vingt cinq à trente ans, il y a du recul et de la réussite, ce n’est pas anecdotique ! », déplore-t-il. Mais, si une voie plus saine respectueuse de la nature existe, pourquoi n’est-elle pas plus empruntée ? Le jardinier a son idée : « L’agriculture est de plus en plus dépendante des engrais, des grosses machines, des systèmes d’irrigation. L’économie industrielle qui est derrière n’a sûrement pas envie de ne plus vendre tout ça. Pour retrouver un sol vivant, il faudrait retravailler avec d’autres graines, plus anciennes, originelles. Il y a aussi une peur à l’échelle nationale. Un réel changement engendrerait sans doute la fermeture d’entreprises, créerait du chômage. L’autre facteur, c’est le consommateur. S’il n’est pas sensible à ce qu’il va mettre dans son assiette, ça ne changera pas », analyse-t-il. 

Des solutions alternatives

Hervé Valoteau reconnaît aussi un statu quo maintenu par certains agriculteurs eux-mêmes : « La congrégation d’agriculteurs ne bouge pas facilement. Il y a deux voies ; la première, celle de la confédération paysanne qui promeut le local, en bio ou pas, et la seconde, une agriculture hyperconnectée, gérée par des drones, des ordinateurs, des téléphones, qui est moins fatigante mais consomme beaucoup d’énergie et est destructrice des milieux vivants. Les rendements ne font que chuter, la plupart des sols ne sont plus vivants et n’encaissent plus aussi bien les chocs qu’avant, ils n’absorbent plus l’eau », résume-t-il. Le jardinier tend plutôt à faire la promotion d’un modèle d’agriculture que l’on retrouvait dans la culture maya : « Le haricot et le maïs poussent au pied de la courge, le tout sur un mètre carré. Le rendement est important et cela nourrit beaucoup de monde, mais ce n’est pas mécanisable… »

Hervé Valoteau s’émeut également de « l’urbanisation galopante de notre pays, qui nous fait perdre un département sous le béton tous les sept ans » et déplore le manque de reconnaissance financière envers « ceux qui nous nourrissent, nous éduquent et nous guérissent contrairement à ceux qui nous divertissent ». Mais le jardinier ne se décourage pas et poursuivra son combat pour semer dans les esprits les graines nécessaires à l’éclosion d’un nouveau monde. 

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