rencontre
Au Bi'O Jardin,
le potager familial et pédagogique
Au Bi’O Jardin, micro-ferme située à la sortie du village de Saint-Christophe-en-Boucherie, au lieu-dit La Brande, le maraîchage au naturel se pratique en famille. Il y a d’abord eu Nathalie, puis sa fille, Marie, et son gendre, Matthieu, qui ont monté ce projet. Le trio originaire du Loiret s’est spécialisé dans la culture de légumes, de petits fruits et de fleurs.
Âgée de 56 ans, Nathalie Carré, ancienne salariée d’une mutuelle de santé, est issue « d’un monde complètement différent » de celui du maraîchage. Mais les nombreux postes occupés au cours de sa carrière ne sont jamais parvenus à la satisfaire. Aussi a-t-elle choisi, en 2014, de suivre une formation à la Ferme de Sainte Marthe en Sologne, pour acquérir un savoir théorique, complété ensuite par une expérience chez le maraîcher Joseph Morin, qui exerce à Écueillé.
Un projet familial absolu
Dès la fin de l’année 2014, la maraîchère en herbe se lance dans la recherche d’un lieu qui puisse accueillir sa future exploitation, mais aussi lui servir de lieu d’habitation ainsi qu’à sa fille et à son gendre. Très vite, la perle rare est trouvée et le trio choisit de s’établir à Saint-Christophe-en-Boucherie, au lieu-dit La Brande en février 2015. « Nous cherchions un lieu composé de deux maisons indépendantes, dans l’Indre, et avons trouvé cet endroit qui était déjà exploité pour le maraîchage », précise Marie. Nathalie Carré ajoute : « Après l’installation, l’activité a été lancée. Ça a été très vite, l’essentiel était de produire pour préserver notre place au marché de La Châtre. » En 2015, Marie rejoint seule le projet et l’équipe se complète en 2017 lorsque Matthieu se greffe à l’activité.
À l’origine de la création du Bi’O Jardin, Nathalie ne s’imaginait pas porter le projet seule : « C’est un métier difficile, où nous sommes malmenés. L’été, il faut travailler avec les fortes chaleurs, et l’hiver, on rince les légumes dans l’eau glacée. Seule, ce ne serait pas viable, et puis c’était aussi un projet de vie. On a convenu que c’était quelque chose qu’on pouvait faire ensemble. »
Deux impasses scolaires
Sa fille Marie, âgée aujourd’hui de 34 ans, n’avait pas non plus prévu de devenir maraîchère mais ne se destinait pas à un autre métier : « Avec mon master en littérature, on me suggérait de devenir prof mais je n’en avais pas envie. Il y avait aussi l’éventualité de l’édition, mais je ne me voyais pas travailler dans un bureau », retrace-t-elle.
Matthieu, issu d’une longue lignée d’agriculteurs, a lui aussi suivi, sans conviction, des études d’ingénierie en mécanique. « Mon père est céréalier conventionnel, ça ne me donnait pas envie de reprendre l’exploitation », précise-t-il. Parents de trois enfants, Marie et Matthieu voulaient offrir à ces derniers le calme et l’espace de la campagne afin qu’ils puissent pleinement s’épanouir. Les deux jeunes gens regrettent leurs parcours scolaires respectifs qui leur ont finalement peu apporté pour exercer leur métier actuel : « Parfois je me dis qu’on a tellement perdu de temps, et si c’était à refaire je préférerais suivre des études courtes. On doit faire des choix à 16 ans alors que l’on n’est pas mûr pour ça ; […] On spécialise les enfants avant que les bases ne soient acquises. Pour nos enfants, s’ils sont d’accord avec ça, on leur fera faire des études courtes et professionnalisantes », prévoit Matthieu. Nathalie avoue également ne pas s’être penchée à temps sur le sujet : « J’ai pris conscience de tout ça quand mes deux filles étaient déjà grandes et qu’elles avaient fini leurs études. »
Le vœu d'un « grand ralentissement »
Marie apporte tout de même quelques nuances et poursuit : « On arrive ici avec un regard différent. Pour Matthieu, son parcours lui a permis de développer son esprit logique, ça l’a aidé dans l’organisation et la planification de l’exploitation. »
Loin d’être voués à devenir maraîchers, Marie et Matthieu avaient pourtant la « fibre écolo » depuis très jeunes. Celui-ci raconte : « Dès 2007, nous mangions bio/fermier, nous pensions que c’était le meilleur moyen d’être écolos. Aujourd’hui, on a un peu changé d’avis, toutes les exploitations ne se valent pas, mais notre prise de conscience est de plus en plus profonde. On est encore plus sensibles dans le métier, on est plus heurtés par certaines choses. » Le trentenaire déplore une situation globale, un système qui marche à contre-courant du bon sens : « Les pratiques n’évoluent pas, on nourrit les plantes plutôt que le sol. […] Ce qui me marque le plus, c’est l’inertie de tout le monde. Il faudrait un grand ralentissement, mais il y a au contraire une accélération. Pendant le COVID, il y a eu un moment de panique, on a vu une affluence des clients à la ferme qui redécouvraient les petits producteurs et qui ne voulaient plus aller au supermarché, où tout le monde touche les légumes. Et puis beaucoup ont cessé de venir après tout ça. L’écologie aussi est passée derrière après le COVID. On comprend, car on ressent une tristesse généralisée, une pesanteur… Les gens ont de nouveau besoin de profiter mais ils ont vite oublié. » Et le coût pour le consommateur dans tout ça ? Matthieu renchérit: « Ce n’est pas qu’une histoire de prix. La question c’est plutôt : “ Comment on dépense son argent ? ” Il ne faut pas voir que le prix, il faut voir le coût caché derrière le prix, le suicide paysan, notamment, chez nous comme ailleurs. » Marie complète la réflexion de son compagnon : « Et puis c’est cher par rapport à quoi ? Le prix que nous fixons, c’est le prix juste pour vivre. »
Le Bi'O Jardin et sa dimension pédagogique
Les 3 000 m² cultivés du Bi’O Jardin regroupent une grande diversité de légumes, de petits fruits et de fleurs que Nathalie, Marie et Matthieu vendent directement à la ferme. Cette dernière abrite également une petite boutique rassemblant des produits locaux (savon, miel, fromage, épices, cartes à planter). La famille vend aussi sa production au marché hebdomadaire de La Châtre et l’été au marché nocturne de Saint-Christophe-en-Boucherie. Le Bi’O Jardin fournit encore l’épicerie On passe au vrac et le collège George-Sand de La Châtre. Chaque semaine, ce sont cent-cinquante clients qui se procurent ces fruits et légumes de toutes les saisons, cultivés sans aucun produit chimique, soignés à l’extrait fermenté d’ortie, aux huiles essentielles, à la consoude et ramassés à la main.
Avec modestie, Matthieu estime que tous les détails du mode de culture « bio intensif et permaculturel » du lieu ne sont pas encore fixés : « On apprend toujours le métier, on tâtonne. »
Dans un cercle vertueux de diffusion des connaissances, la petite ferme, sollicitée par la Ferme de Saint Marthe, est désormais un lieu de formation pour des maraîchers en devenir ou des personnes souhaitant approfondir leurs connaissances en jardinage et autonomie. Car la famille est convaincue « qu’il faut multiplier les installations, qu’il y a un grand besoin » de petits producteurs. Nathalie, Marie et Matthieu, espèrent cependant une répartition équilibrée de ces nouveaux exploitants sur tout le territoire, plutôt qu’une surconcentration dans certaines petites communes rurales. ■
Au Bi'O Jardin
La Brande 36400 Saint-Christophe-en-Boucherie
Vente directe à la ferme
chaque vendredi de 14h30 à 18h00
Marché de La Châtre le samedi matin
Marché nocturne de
Saint-Christophe-en-Boucherie
chaque vendredi soir de juin à septembre
Retrouvez le Bi'O Jardin
sur ses différentes plateformes
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