Dominique Jourdain (218)
rencontre

Dominique jourdain,
l'esthète libre

La route qui mène à Saint-Gaultier peut sembler figée dans le temps. Pas un chat croisé durant notre périple, aucun quidam à l’horizon, et des devantures abandonnées en nombre. Pourtant, loin de la rebuter, cette tranquillité exacerbée a séduit Dominique Jourdain, sculptrice et artiste aux multiples facettes, qui ne supportait plus le bruit des Pays-Bas et aspirait au calme.

 

Aujourd’hui âgée de 65 ans, celle qui fut autrefois l’intermédiaire entre une usine de confection de vêtements haut de gamme pour enfants et les détaillants s’est essayée à de nombreuses disciplines artistiques. « Je suis très éclectique. Ça a commencé avec le crayon, puis je suis passée au pastel, qui me plaisait beaucoup pour son aspect tactile et le travail au doigt. Je n’ai jamais adhéré à la peinture, trop technique à mon goût, d’autant que je n’ai pas suivi d’école d’art. » Pourtant, dans sa maison-musée, véritable écrin aux mille et un trésors, la beauté règne en maîtresse. Les objets chinés, assemblés ou façonnés au fil des années et des voyages composent un univers raffiné et profondément personnel. Il n’était pas nécessaire d’enseigner à Dominique Jourdain le goût du beau tant il semble faire partie d’elle.

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Les mains dans la terre

À 30 ans, Dominique découvre le travail de la terre cuite à Bruxelles aux côtés d’Anne Caneel, sculptrice belge reconnue. « J’ai intégré un premier atelier, nous étions seulement trois, c’était une vraie chance. L’ambiance était intime, on faisait notre propre truc puis on se corrigeait les uns les autres. On affine mieux les détails de cette façon, c’est comme regarder à travers un miroir. »

Une première exposition au Sablon d’art à Bruxelles lui permet de dépasser la sphère familiale ou amicale et de confronter ses créations à un public qu’elle ne connaît pas. « Je n’étais pas sûre de moi, on se demande si ce qu’on fait est assez bien pour le porter vers l’extérieur. » Les pièces se vendent bien et Dominique Jourdain tire de ce premier succès un peu plus de confiance en elle. Mais son travail et l’éducation de ses deux enfants la happent et ne lui laissent « plus vraiment le temps de jouer avec [s]on argile. »

Dominique Jourdain s’établit ensuite à Amsterdam où elle expose également ses œuvres. Elle explore aussi le bronze, « pour faire autre chose que de la terre cuite », et crée une série de danseuses qui s’enroulent ou s’étirent avec grâce pour figurer des chiffres. Là encore, l’artiste rencontre le succès, qui fait tâche d’huile et l’amène à vendre ses créations jusqu’en Haute-Savoie.

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Nouveau départ à Saint-Gaultier

En 2022, elle quitte le bruit des Pays-Bas pour le village paisible et quelque peu désert de Saint-Gaultier. « J’ai quitté le monde du travail, alors je trouve mon bonheur ici. J’ai repris en main la maison et façonné le jardin d’hiver dont j’avais toujours rêvé. » Dominique Jourdain poursuit dans l’atmosphère du Berry son travail créatif et embellit le moindre espace qui s’offre à elle. Céramique, broderie, customisation de Barbie, tout ce qui tombe sous sa main participe à sa recherche du beau. « J’en ai partout, j’ai du mal à rester tranquille et à ne rien faire. J’ai les mains occupées tout le temps, même devant la télé, il me faut des travaux d’aiguille. »

La sculptrice puise notamment son inspiration dans l’art nouveau, la publicité, la nature. Elle admire aussi Camille Claudel, « icône de la sculpture féminine qui a tout donné pour son art », et Rodin. Dominique cultive cependant une approche bien à elle, à l’image de sa personnalité. « Je n’aime pas copier, je cherche l’inspiration pas forcément dans la sculpture, mais dans la mode, les photos des magazines, les publicités. J’essaie de sculpter le plus beau corps possible. »

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Un alignement parfait

Dans sa maison du Berry, Dominique Jourdain semble enfin avoir trouvé son rythme. Elle savoure désormais un quotidien simple, enraciné, à l’image de son art.
« Aux Pays-Bas, la mentalité est très superficielle. J’y étais toujours considérée comme une étrangère. Ici, les gens sont plus proches de leurs racines, ils sont moins individualistes et ne manquent pas de me saluer, même les enfants. L’humour est rude là-bas, ils vont droit au but. C’est une qualité dans l’administration et le travail, mais ça porte préjudice aux relations humaines. J’y retourne essentiellement pour voir mes enfants. »

À Saint-Gaultier, Dominique prend désormais le temps de vivre. Entourée de ses objets, de ses matières et du silence qu’elle avait tant désiré, elle modèle un univers singulier, nourri par une indépendance assumée. Et c’est peut-être là, dans cette liberté patiemment conquise, que réside l’essence même de son art.

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