rencontre

Francis Barnabé,
le puits de science d'Argenton-sur-creuse

À Argenton-sur-Creuse et plus largement dans la vallée de la Creuse, le visage de Francis Barnabé est bien connu des passionnés d’événements artistiques. Cadre supérieur à la retraite, l’enfant du pays a mené une brillante carrière au sein de grandes entreprises d’électronique avant de revenir dans la ville qui l’a vu grandir.

Les amateurs des bords de Creuse argentonnais ont forcément déjà aperçu, de l’autre côté de la rive, la silhouette de la villa Gabrielle. Faisant presque face au moulin du Rabois, la demeure bâtie par l’architecte Adrien Laforgue en 1906 abrite une figure de la ville. Francis Barnabé, 69 ans, y profite de sa retraite depuis la fin de l’année 2015. Véritable enfant d’Argenton-sur-Creuse, l’ancien cadre supérieur est passé par l’école Paul-Bert, le collège du Merle-Blanc puis le lycée Rollinat. « On était 13 dans ma classe pour passer le bac C. Le seul qui l’a eu c’était moi, j’ai été reçu en héros par le proviseur. J’ai aussi eu mon certificat d’études, mes parents m’avaient poussé à le passer », se réjouit encore Francis en déroulant son diplôme. « J’étais bon en physique, moins en maths. Aujourd’hui c’est l’inverse, d’ailleurs je fais des maths tous les jours. J’ai racheté les programmes à partir de la 4 », poursuit-il.

Une jeunesse sans repos

Viennent ensuite les études à l’Université François-Rabelais de Tours pour préparer une licence de physique, et avec elles leur délicat financement. « J’ai été pion à différents endroits pour les payer. Il n’y avait pas d’aides à l’époque pour les étudiants, je ratais des cours et jonglais entre les études et mon emploi. En parallèle, je suivais un préparation militaire supérieure à Tours, au lieu de rentrer chez moi le week-end j’allais à la caserne. » Il devient ensuite élève officier de réserve à Évreux dans l’armée de l’air où il suit une préparation intellectuelle au commandement. « J’en ai bavé ! Il fallait démonter des fusils mitrailleurs pour les remonter dans le noir après que les pièces avaient été mélangées. Mais on se poilait ! Sur 350, j’ai été reçu dans les 80 premiers, puis j’ai choisi d’aller à Cognac d’où je suis sorti sous-lieutenant. J’encadrais un centre d’instruction militaire, ça m’a permis de rencontrer un large panel social qui brassait des jeunes (de l’illettré ou presque à l’agrégé), des apprentis, des agriculteurs, des étudiants. J’y ai formé un millier de jeunes ! »

La carrière de Francis Barnabé décolle ensuite vers de nouveaux horizons lorsqu’il est embauché par Texas Instruments à Vélizy-Villacoublay. « C’était la méthode américaine, on ne rigolait pas et c’était brutal, on pouvait se faire virer du jour au lendemain. Mais c’était très formateur, j’ai appris l’anglais et ça m’a permis de voyager, au Maroc et en Italie notamment », retrace l’Argentonnais qui semble tirer de ces expériences exigeantes un bilan très positif dont il est particulièrement fier. « Texas Instruments a inventé le circuit intégré. On vendait des composants électroniques aux grosses industries comme Bull, un ancien fabricant d’ordinateurs concurrent d’IBM, ou Dassault. C’était le début du microcalculateur ! »

Des puces à gogo...

Francis Barnabé est ensuite embauché par la société Thomson-Efcis au début des années 80, toujours pour développer la vente de circuits intégrés. « On travaillait beaucoup pour l’armée, mais aussi pour le Crédit agricole, La Banque de France, Michelin… On a vendu des dizaines de millions de puces, il y en a partout : dans les cartes bancaires, les cartes d’identité, les téléphones… Je visitais les usines où pas un équipement ne valait moins d’un million de dollars. Pour ouvrir une nouvelle usine, il fallait mettre sur la table pas moins de 4 à 5 milliards de dollars. » Des produits blancs aux compteurs de gaz communicants en passant par les radars, tous nos appareils quotidiens sont décidément truffés de ces petits composants qui stockent et traitent les informations.

Il voyage encore, cette fois-ci en Malaisie, à Singapour, revient au Maroc et côtoie les grands noms de l’industrie en signant des contrats avec Renault, Peugeot, Thalès, ArianeGroup. « J’ai mis un pied sur quasiment tous les continents. Singapour est un vrai paradis, où la délinquance est quasi nulle, le niveau d’études très élevé, mais le climat est chaud et humide. J’ai visité l’usine LEGO® au Danemark, à Billund, où tout le monde travaille pour la marque. Il y a eu aussi l’Angleterre, l’Allemagne, l’Italie, la Sicile, l’Égypte… »

Francis Barnabé, «  passionné jusqu’au bout du bout de [s]a carrière  » et qui n’a jamais connu l’ennui, transmet encore des explications techniques très détaillées lorsqu’il se remémore sa trajectoire professionnelle. Celui qui connaissait les normes « sur le bout du pouce  » et savait les procédures par cœur se félicite de sa capacité à mobiliser ses souvenirs. « Oh je suis bon quand même ! », s’exclame-t-il d’ailleurs à la fin d’une démonstration.

Francis est demeuré loyal envers ses employeurs et les sociétés qui lui ont offert une belle carrière. Usant souvent du « on », il semble faire corps avec les entreprises qui l’ont employé et s’intéresse encore à leur actualité.

… et des passions à foison​

Passionné de sciences dures, Francis Barnabé réserve aussi une place de choix aux arts et s’entoure d’œuvres de peintres, sculpteurs, dessinateurs qu’il admire profondément. De ses flâneries dans les galeries d’exposition, il ramène souvent un joli souvenir et les dessins de Georges Lemoine vivent aux côtés des céramiques de Natali Benoît, des paysages de Léon Detroy ou encore des sculptures d’Anna Quinquaud. « J’ai toujours eu la fibre littéraire aussi, j’écrivais des poèmes quand j’étais adolescent », explique-t-il en nous faisant découvrir quelques unes de ses belles pages écrites cinquante ans plus tôt.

Le bridge, l’ornithologie, l’aviation, l’astronomie, le marketing occupent également ses journées. Mais ce tour d’horizon des passions de l’Argentonnais semblerait bien morne sans aborder les questions politiques. « J’aime pas Macron, la première chose qu’il a faite, c’est de dépouiller les retraités avec la CSG. Les retraités ne sont pas tous des privilégiés. Il a permis la suppression de la cotisation chômage pour les salariés mais en même temps, il y a eu la suppression de l’ISF. Bernard Arnault a dû économiser des centaines de millions d’euros, je ne l’ai jamais accepté. La dernière année, l’ISF rapportait 4,5 milliards. […] Mélenchon et Mathilde Panot  n’ont pas fait preuve de responsabilité en soutenant les émeutiers dans leurs destructions », s’emballe-t-il. 

Même le volet scientifique réserve son lot de surprises et de réflexions croustillantes. « J’ai vraiment un intérêt pour les grandes questions métaphysiques, les trous noirs, enfin tout ce qui est au-delà de la physique. Et puis je suis vraiment rentré dans les détails de l’ADN, de l’épigénétique. […] Finalement, on comprend qu’un con reste un vrai con, mais aujourd’hui, on nous dit que les gens sont tous des génies. Ben non ! Y en a qui ne comprendront jamais la théorie de la relativité, ni la physique quantique. Les gens peuvent s’améliorer bien sûr, mais d’un parfait crétin, on ne fera jamais un génie. Tous les gens ne sont pas des génies, il y a des gens pas intéressés et pas capables. C’est un discours facile qui m’énerve. »

Et dire que Francis se demandait ce qu’il allait bien pouvoir nous raconter ! 

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