boite a pistons chateauroux
rencontre

franck singeot,
le chirurgien des instruments à vent

La Boîte à Pistons, créée par Franck Singeot en septembre 2020, propose aux passionnés de musique, amateurs et professionnels, de réparer leurs instruments à vent dans le centre-ville castelroussin.

À Châteauroux, les amateurs de musique à la recherche d’un lieu convivial pour choisir un nouvel instrument connaissent bien JAM music store, situé 20, rue Bertrand, dans le centre-ville castelroussin. Mais se procurer un saxophone ou une clarinette rutilants, c’est un peu comme acheter une voiture ; cela implique forcément de l’entretien et parfois des réparations.

Les propriétaires d’instruments à vent n’ont cependant pas à aller bien loin pour prendre soin de leur outil de travail ou d’étude ; il leur suffit de pousser quelques portes à l’arrière de la boutique de JAM music store pour atterrir dans l’atelier de La Boîte à pistons. Son créateur, Franck Singeot, a cependant connu plusieurs vies avant de faire aboutir ce projet.

Naissance d'un bricoleur-musicien

Ce passionné de musique âgé de 46 ans raconte sans détour son parcours et ses multiples changements de direction. Sans grande surprise, il explique d’emblée : « Petit, je bricolais beaucoup. Enfin, je démontais plus que je ne remontais, pour voir comment ça fonctionnait ». Originaire de la Meuse, et plus précisément de Revigny-sur-Ornain, c’est à 11 ans qu’il commence à faire ses gammes au sein de l’harmonie municipale de sa commune. Il suit ainsi la trace de son frère, déjà joueur de saxophone amateur. L’harmonie batterie-fanfare, composée d’une cinquantaine de musiciens, se produisait notamment lors des fêtes de village, des cérémonies, des carnavals. « L’ambiance était plaisante, ça m’a vite plu. Le paradoxe, c’est qu’on faisait la fête avec beaucoup de musiques militaires », précise Franck Singeot qui considère que les bandas ont désormais remplacé ces ensembles. À 14 ans, il commence ensuite les stages de musique dans son département et se retrouve avec d’autres élèves, mais aussi d’autres professeurs. La fréquentation de cet entourage nouveau lui permet d’améliorer son jeu. Peu de temps après, il sera dirigé par un chef d’orchestre ayant exercé à Marseille, Chicago ou encore New-York, une expérience marquante dans son apprentissage. Une harmonie voisine le demandera ensuite en renfort.

La déception de l'école

Franck jouera alors en son sein des morceaux plus difficiles. L’exercice est payant ; il peaufine encore et toujours sa technique accompagné de son fidèle saxophone baryton, jusqu’à participer à la préparation de deux concours avec ce nouvel ensemble.

En parallèle, le jeune homme s’égare dans son parcours scolaire. Mal orienté au collège, celui qui désirait apprendre la mécanique automobile se prend « une douche froide » sur la tête en atterrissant dans un cursus de tourneur-fraiseur. Franck Singeot reconnaît y avoir appris « plein de choses, mais pas ce qu’[il] voulai[t] ». À l’internat, les conditions de vie sont parfois rudes et les douches brûlantes, cette fois-ci : « On devait s’asseoir pour laisser le temps à l’eau de refroidir, le temps qu’elle retombe sur nous », se rappelle-t-il. Qu’à cela ne tienne, le musicien pugnace se dirige ensuite vers un BEP en mécanique automobile. Mais dans ce nouveau cursus, Franck est mécontent des défaillances de ses professeurs qu’il trouve « largués ». Il tirera principalement son savoir des différents stages en entreprise qui émailleront son apprentissage. Le mécanicien fait partie des déçus de l’école et résume son sentiment sans ambiguïté : « Je n’ai pas aimé la manière dont la scolarité m’a été proposée ». Il pousse d’ailleurs la réflexion plus loin et ne s’étonne pas du « retour de bâton » que les professeurs encaissent de nos jours. « Auparavant, les parents avaient une confiance aveugle en eux. Les enfants qui ont subi sont les parents d’aujourd’hui, et certains profs avaient tort, il y avait des enflures qui humiliaient des élèves », ajoute-t-il.

Une carrière dans l'armée

Après sa scolarité, le musicien est à la croisée des chemins. Une place au sein d’un garage automobile lui est proposée mais une carrière s’offre également à lui dans l’armée. Il restera finalement au service de la Grande Muette durant quinze ans et y occupera de nombreux postes : conducteur de poids lourds puis de convois exceptionnels, cariste, magasinier, chauffeur de bus, chauffeur d’autorité… « J’ai d’ailleurs tous les permis sauf celui pour conduire une moto ! », s’enthousiasme-t-il en énumérant les différentes tâches auxquelles il était affecté. « J’avais beaucoup de responsabilités. Je transportais du personnel ou du matériel et j’étais envoyé partout à l’étranger. Ça s’est bien passé, j’en garde beaucoup de bons souvenirs. Ces expériences obligent à un dépassement de soi. Ce n’était pas traumatisant mais éprouvant, et c’est agréable de voir jusqu’où on est capable d’aller. J’ai eu la chance de ne pas être trop exposé au combat, et c’est peut-être utopique mais de toute façon, je disais toujours que je partais pour faire la paix, pas la guerre. Enfin avec la nature humaine, c’est parfois délicat… », confie-t-il. Au bout de quinze années, il quitte l’armée et change de voie.

La Boîte à pistons dans les cartons

Et le Berry dans tout ça ? Franck Singeot fait connaissance avec la région à travers Châteauroux en 1998 lorsque le régiment normand auquel il appartient y est muté définitivement et se voit confier le transport de chars Leclerc. Le musicien accusera le coup dès le premier jour : « J’ai pleuré le premier soir. À l’époque, Châteauroux était une ville triste, il n’y avait pas d’ambiance. Depuis ces cinq dernières années, ça a changé, il y a une très grande offre culturelle ». L’ancien militaire s’y installe pourtant en 2011 et de 2011 à 2018, travaille chez les Pneus Leseche à Saint-Maur. Il devient alors monteur en pneumatique et s’occupe des pneus des poids lourds, des véhicules de tourisme ou des véhicules agricoles mais aussi de toutes les autres tâches que doit exécuter un mécanicien, de l’entretien à la réparation. Durant ces sept années, les journées de Franck Singeot sont éreintantes. S’il travaille le jour au garage, il lui arrive également d’être d’astreinte et de devoir intervenir en pleine nuit, par tous les temps, pour dépanner des poids lourds après une crevaison. « C’était plaisant mais éprouvant », conclut-il. Il mettra fin à cette expérience en demandant une rupture conventionnelle à son employeur. Au cours des deux années de chômage qui suivent, il élabore le plan de son nouveau projet. « On critique beaucoup les aides dans notre pays, mais elles servent aussi aux gens qui veulent travailler. Je n’aurais pas pu ouvrir mon atelier sans ça », reconnaît-il avec honnêteté.

Retour à l'école

Cependant, Franck ne chôme pas contrairement aux apparences. Il intègre l’ITEMM au Mans, un centre qui forme aux métiers d’art de la facture instrumentale, aux métiers de la régie son et du commerce spécialisé. Au bout d’un an, il obtient son CAP d’assistant technique en instruments de musique. Son expérience dans la mécanique le dispense du brevet des métiers d’art. Durant cette période, il suit un stage auprès de Jérôme Wiss, un concepteur et fabricant d’instruments, « un génie extraterrestre devenu une sommité dans son domaine », précise un Franck Singeot particulièrement admiratif. Les expériences qui suivent à Caen puis à Châteauroux lui permettent de s’imprégner du rythme du métier de réparateur. Malgré le confinement et l’annulation d’un stage, le musicien décide de laisser une chance à son projet. En juin 2020, il immatricule sa société à la chambre de métiers et de l’artisanat de l’Indre puis achète son outillage. La Boîte à pistons est enfin née ! Il fait ensuite la connaissance de Thomas Gérard, le futur vendeur de JAM Music Store, une boutique qui est à l’époque, sur le point d’ouvrir. Franck est immédiatement séduit par la proposition de collaboration qui lui est faite, et l’agencement de l’espace lui plaît. « Si un magasin de musique s’installe à Châteauroux, je ne peux pas faire autrement que d’y participer », commente-t-il.

La boucle est bouclée

Depuis son atelier, le réparateur d’instruments à vent a vue sur le magasin mais profite aussi d’une mise en retrait propice à la concentration. Cette activité minutieuse demande patience et rigueur. Tel un chirurgien, Franck Singeot répare et entretient des instruments parfois essoufflés, dont les touches collent ou encore qui ne produisent plus le son escompté. Son savoir s’applique aux bois aussi bien qu’aux cuivres et les flûtes, clarinettes, saxophones, trompettes, trombones et tubas n’ont plus de secret pour lui. Il se charge également de la révision du parc d’instruments du conservatoire de Châteauroux. 

Par ailleurs, il s’investit toujours dans la musique pendant ses heures de liberté. Le Meusien joue encore dans des orchestres, mais aussi au sein du groupe Les Prothèses de anches, dans les harmonies d’Ardentes et de Châteauroux, de l’orchestre d’harmonie départemental de l’Indre. Enfin, il s’occupe aussi de la lumière et du son des spectacles annuels du GargilesseBand conduits par Hélène Texier et transbahutera le matériel lors de la prochaine académie musicale d’été de Bellebouche, comme une résurgence de son ancienne vie…

À l’atelier, le musicien consacre également du temps à de jeunes stagiaires qui souhaitent apprendre le métier à ses côtés et transmet ainsi son savoir-faire. 

Comme une boucle joliment bouclée, La Boîte à pistons aura permis à Franck Singeot de marier ses deux passions premières, la musique et la mécanique. Tous les ingrédients semblaient être présents depuis la prime jeunesse du réparateur, mais il faut parfois du temps pour que la recette se révèle convaincante. Une troisième vie lui aura été nécessaire pour s’épanouir complètement dans son travail et se sentir dans son élément, enfin.


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