
rencontre
Christine Sardis et Les Écuries du dernier recours
Née à Roubaix en 1951, Christine Sardis a atterri à Palluau-sur-Indre en 2018. Ruinée après avoir rencontré de sérieuses difficultés financières, l’ancienne commerçante a choisi le Boischaut Nord pour son offre immobilière abordable. Quelle autre région que le Berry aurait pu lui offrir la possibilité d’accueillir les deux cents âmes abîmées qu’elle charriait dans son déménagement ?
À l’écart du très admiré château de Palluau-sur-Indre, le hameau de La Roulonnière abrite un sanctuaire pour animaux cabossés. Chats, chiens, cochons, pigeons, oies, volailles, finissent ici leurs jours paisiblement, après une vie de maltraitances ou d’exploitation.

« Les bons sont malheureux :
c'est la loi. »
Lorsque nous avions rencontré Christine en novembre 2023, une ribambelle d’équidés, ovins, caprins et même bovins avaient également trouvé refuge dans ce modeste corps de ferme. Mais le manque de bras bénévoles, de moyens financiers et des soucis de santé l’ont depuis lors obligée à organiser leur transfert ailleurs. Une centaine d’animaux vivent encore sur le site.
« Je n’ai pas été aimée, et je n’étais pas désirée. Ma génitrice était une méchante personne. J’avais toujours faim, j’étais privée de nourriture. […] J’avais des stress épouvantables. Je me demande comment il peut exister des gens comme ça. C’est sans doute pour ça que j’aime les animaux », commence Christine Sardis. Sans misérabilisme, elle dépeint un début d’enfance maltraitée qui lui a laissé des séquelles psychologiques. Recueillie à deux ans, elle reçoit de sa mère adoptive l’amour des animaux auxquels cette dernière offre un foyer. « Maman avait bon cœur, elle aimait bien les bêtes. Il y avait beaucoup de chiens et de chats. On a acheté des premiers chevaux pour qu’ils évitent la boucherie. […] Maman a fait de grands sacrifices pour des chevaux usés, déjà âgés, issus du club hippique », poursuit-elle. Aux côtés de sa sœur, elle soigne et répare comme elle peut des bêtes qui, comme elle, ont souffert des travers humains et d’une cruauté éhontée.

L’arche de Christine
Christine exercera ensuite comme commerçante ambulante jusqu’à ses 60 ans. « J’en ai vendu des choses ! Je vendais jusqu’à 16 000 œufs par mois. […] Je faisais du 6h-19h, je suis devenue complètement usée. Et puis l’euro a tué tout ça, les gens se sont réfugiés dans les grandes surfaces. » À Wattrelos où elle est installée, elle continue de recueillir des animaux et aménage pour eux un foyer confortable. « Je savais encore tout faire, vous voyez bien mes mains comme elles sont esquintées. J’ai eu du courage, j’ai été opérée des hanches car je ne pouvais plus marcher. »
En 2014, elle crée Les Écuries du dernier recours, association dont elle finira par déménager le siège et les pensionnaires quelques années plus tard, poursuivie cette fois-ci par une autre forme de cruauté éhontée.
Oppressée par l’administration fiscale qui lui réclame de prodigieux frais de succession, Christine Sardis s’empresse d’organiser son départ. « Le clerc de notaire m’en a fait voir, ils se souviennent encore de moi à l’étude ! Il fallait vendre et trouver quelque chose ailleurs pour les animaux. J’étais ruinée, j’ai trouvé ça dans l’Indre à la dernière minute. » Jamais Christine Sardis ne se plaint de sa condition, de la presque indigence de son logis. Elle ne fulmine qu’après le manque de moyens qui l’empêche d’accueillir autant de bêtes qu’elle souhaiterait, et de toutes les soigner dignement.

Une mère pour ses « âmes de l’ombre »
Christine Sardis connaît les habitudes de ses pensionnaires, leurs maladies, leurs TOC, et les accepte tels qu’ils sont, de la même manière qu’on accepte ses propres enfants. Elle justifie ainsi son abnégation : « Ici on est dans la niche du chien et du chat. […] Je ne leur demande rien, je les accepte avec leurs fissures. Moi aussi j’en ai eu des grosses brèches dans la tête. »
L’association de Christine Sardis manque de bras et de dons financiers ou en nature. « Les frais vétérinaires vous tuent. Il devrait y avoir au moins cinq bénévoles. Rien que les chats, ça prend une heure par jour pour les soigner », explique-t-elle. Malgré toutes ses blessures et sa fine connaissance de la nature humaine, Christine Sardis se tourne pleine d’espoir vers l’avenir.
Après une vie ponctuée de souffrances, chaque pensionnaire qui s’éteint aux Écuries a droit à son éloge funèbre savamment élaboré par la Nordiste qui promet à « [s]es petites âmes de l’ombre aux yeux affamés » un « Paradou » éternel. Et pour tous ceux encore présents ici-bas, puisse Christine veiller encore longtemps sur eux. ■